mardi 21 janvier 2014

La déconnexion des élites


Un article du Monde de Laure Bélot fin décembre le soulignait : jamais peut être la déconnexion entre les élites et les plus jeunes générations , dîtes digital native, n'aura été aussi grande.
J'aimerai ajouter aussi grande et en défaveur de ces élites dont on attend si ce n'est qu'elles impulsent des changements de fond ,au moins qu'elles accompagnent les mutations que nous traversons .

Depuis 15 ans les élites ont en effet du mal à penser la mutation digitale : si le numérique a été assez vite pris comme un changement complet des outils de communication , il a été plus difficile d'y voir une nouvelle révolution économico - industrielle et encore moins les conséquences sur la société toute entière , que ce soit en matière de rapport au savoir, à la démocratie, à la politique, aux valeurs …

 En gros tout ce que nous avait appris la médiologie de Régis Debray depuis une vingtaine d'année : l'outil de création symbolique d'une époque est fondateur pour toute la société de cette époque.
L'essentiel était posé, ne restait plus qu'aux élites qu'à structurer la pensée autour de ces mutations, comme cela avait été fait à d'autres époques ,celle de Gutemberg ou des Lumières..

3 nuances de taille vont  simplement empêcher les élites de rattraper leur retard et les placer dans la position difficile du cycliste en fin de peloton, essayant de ne pas être décroché , alors qu'il devrait mener
1ière nuance : le pouvoir d'agir est en bas "c'est le bas qui pousse, estime Jean Marc Lech, cette société déborde toutes les élites sans aucune culpabilité".
En Marketing on dit depuis une dizaine d''année que c'est le consommateur qui a le pouvoir et qui décide des produits qu'il veut acheter, des canaux d'achat..
Donc massivement et mondialement l'outil engendre de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques économiques et sociétales : les internautes achètent ou vendent sur le Boncoin.fr, pratiquent le covoiturage sur Blablacar, se logent sur Airbnb, pratiquent le crowdfounding pour fiancer la restauration d'un film culte, développent des liens horizontaux, partagent des données…
Et donc massivement tout cela nécessite un accompagnement , un encadrement juridique, réglementaire permettant de distinguer les bons des mauvais comportements..

2ième nuance : la mutation est toujours en cours et même peut être encore à ses débuts, c'est une difficulté majeure pur des élites habituées à penser en forme de plan, de durée, d'échéance. Difficile de dire où l'on en est de l'efficience de cette mutation : a -telle développé  10 ,30 ou 60 % de sa capacité.
L'époque se vit en mode bêta permanent, ce qui convient difficilement à des élites en position de visionner une issue à la crise, de penser des objets dans leur ensemble afin de pouvoir les classifier, légiférer..

3ième nuance : la mutation est protéiforme  et touche autant notre rapport au savoir, qu'au travail ,qu'à la politique ; elle est donc culturelle , c'est à dire le produit d'une nouvelle culture , développée par ces nouvelles générations et dont il est parfois difficile de penser qu'elles seules sauront peut être après les avoir vécus, penser , légiférer les nombreux changements engendrés.

mardi 14 janvier 2014

Le Capital au XXIième siècle (2)

Quelles sont les principales conclusions de ce livre.
1/ il faut se méfier des déterminismes économiques et  l'histoire de la répartition des richesses est une histoire profondément politique.
La réduction des inégalités dans les années 1910-30 et 50-60 est avant out le produit des guerres et des politiques mises en place à leur suite.
Leur retournement dans les années 70-8O doit beaucoup aux changements politiques en matière fiscale et financière.

2/La dynamique de répartition des richesses met en jeu de puissants mécanismes poussant alternativement dans le sens de la convergence et de la divergence et il n'existe aucun processus naturel et spontané pour éviter que les tendances déstabilisatrices et inégalitaires l'emportent durablement

La principale force de convergence est le processus de diffusion des connaissances et d'investissement  dans les qualifications et la formation.
Le processus de l'offre et de la demande peut agir mais dans des proportions moindres.

Il existe plusieurs croyances optimistes sur d'autres forces de convergence qui malheureusement fonctionnent comme des illusions et ne résistent pas à l'analyse :
- on pourrait penser que le part du capital diminue au profit du travail au fur et à mesure que la production se technicise et demande plus de capital (montée du capital humain);
Il n'en est rien car le capital semble aussi indispensable au XXI , qu'il ne l'était précédemment pour financer, moderniser l'outil de production.
- l'allongement de la durée de vie conduirait mécaniquement au remplacement de la guerre des classes par la guerre des âges.
Faux également car les inégalités patrimoniales sont à titre principal des inégalités à l'intérieur de chaque groupe d'âge.

Les forces de divergence ou d'accroissement des inégalités :
- l'absence d'investissement dans la formation pour permettre à de nouveaux groupes sociaux de bénéficier de la croissance, ou les conduire à se faire déclasser par de nouveaux venus
- le processus de décrochage des plus hautes rémunérations qui peut être massif même si aujourd'hui très localisé
- le processus d'accumulation et de concentration des patrimoines dans un monde à croissance faible

3/ La force de divergence fondamentale  r > g

L'évolution du rapport capital/revenu du travail en Europe.
Il est entrain de redevenir à peu près le m^me qu'à la veille de la 1ière guerre mondiale : autour de 5 à 6 années de revenus (contre seulement deux fois dans les années 50)
D'où le  phénomène observé :
dans les sociétés à croissance très faible, les patrimoines issus du passé prennent une importance disproportionnée car il suffit d'un très faible taux d'épargne pour accroitre continuellement et substantiellement l'ampleur du stock
D'où : r >g ou r désigne le rendement moyen du capital et g le taux de croissance (l'accroissement annuel du revenu et de la production)
- Lorsque r >g de façon significative et cela a été le cas tout le XIX jusqu'en 1914 et que cela a de grandes chances de redevenir la norme chez nous, cela implique que les patrimoines issus du passés progressent plus vite que le rythme de production des revenus.
Il est presque inévitable que les patrimoines hérités dominent largement les patrimoines constitués par le travail et que la concentration du capital atteigne des niveaux élevés.
Cela peut être renforcé par d'autres forces : par exemple si le taux de rendement moyen s'élève en fonction de l'importance du capital

4/Une solution certes difficile à mettre en place serait la création d'un impôt mondial et progressif sur le capital.



mardi 7 janvier 2014

Expressions (22) : Les Gars


Celle ci je n'en suis pas vraiment sur : si je l'ai pas mal entendu ces derniers temps , je me demande simplement si elle n'est pas "surexploitée" dans l'ouest de la France , ancienne terre des marins.
Mais plusieurs utilisations récentes m'invitent à vous la présenter.
Le paradoxe étant, que comme sur la photo, elle est aussi bien utilisée par les hommes que par les femmes: l'indifférenciation des sexes aurait  gagné un nouveau territoire .
Quel est ce nouveau terrain ?
Un terrain que l'on valorise en s'encourageant mutuellement  (allez les gars!) devant la tâche à accomplir (va falloir y aller les gars ! ) ou en se congratulant après "l'exploit accompli" ("super les gars".
Esquissons une hypothèse,  celle du projet collectif , le quelque chose de construit, fabriqué à plusieurs ,engendrant ,et c'est peut être la la nouveauté, le plaisir, la chaleur humaine , la satisfaction du collectif , pour ne pas dire la fraternité.
Evidemment elles sont loin les images de 36, de la fraternité des travailleurs, où les gars étaient tous porteurs de grands sentiments  magnifiés par Duvivier .
D'ailleurs à ma génération nous avons été plutôt biberonné par Pierre Richard et ses p'tits gars, aux sentiments moins nobles, plus roublards et plus drôles aussi (il faut le reconnaître).

Non cela nous rapproche  plutôt de Mafesoli et son évolution des valeurs exposée dans Apocalypse, chroniqué ici en 2009. Maffesoli y défend un renversement à venir des valeurs issues des Lumières et notamment la montée en puissance du collectif, du partage.
Alors les gars serait il finalement un marqueur du collaboratif ?