jeudi 30 décembre 2010

Méthodologies du changement (1) : pratiques narratives et méthodes de productivité. et


Pour terminer l'année et démarrer une rubrique d'analyse méthodologique sur les disciplines liées au changement, je voudrai citer deux livres et tenter de les faire dialoguer en toute subjectivité sur leur vision du changement, leur proposition méthodologique de transformation.
Le 1ier décrit une méthodologie très pratiquée depuis dix ans dans de nombreux grands groupes du monde industrielle : la méthode 6 sigma.Erigé par certain en modèle managerial elle tend à rationaliser toute activité en process industriel dans une perspective d'abaissement permanent des coûts et de concentration sur le coeur de la valeur ajoutée de l'entreprise.
Cette méthode assimilée concentre l'ensemble de l'intelligence collective sur l'amélioration de la productivité .
Très souvent assimilée à la conduite du changement dans les groupes qui la subissent elle paraît aujourd'hui assez limitée dans des secteurs touchés par de profondes mutations pour réinventer les business modèles et autres formes adaptées d'organisation managériale.

La 2nde provenant du travail social et de la thérapie est celle de Michael White.Très inspirée du post structuralisme Foucault, Deleuze, Derrida mais aussi Ricoeur elle part de l'idée de la structuration du Moi par la Narration.Notre Moi , c'est à dire notre identité se construirait en grande partie à partir des histoires , que nous sommes capables de raconter, partager avec notre entourage et mettre en sccène dans notre quotidien. Il se structure mais il se limite également, c'est notre pensée dominante , celle qui fait ce que l'on est et nous empêche d'aller au delà.
Dans cette approche développée durant près de 30 ans dans le travail social, le changement va consister à prendre conscience de cette pensée dominante limitative pour faire émerger une nouvelle histoire, dit "préférée", dans notre esprit tout d'abord puis dans notre vie.
Le travail du thérapeute consiste à aider à cette prise de conscience limitante et à faire émerger puis donner de la substance à son histoire préférée.
C'est un travail que j'ai adapté depuis près de 10 ans maintenant dans les entreprises pour permettre l'émergence de nouveaux modèles et formes d'organisation managériale.
Il est fort bien décrit dans ce livre sur les aspects du travail social de Michael et très bien traduit et illustré par Nicolas de Beer et Isabelle Laplante.

samedi 25 décembre 2010

Lexique 74 :Prière


"Si la prière ne change pas notre destin, elle change nos sentiments, utilité qui n'est pas moindre."
Joseph Joubert

mardi 21 décembre 2010

En quoi les médias sociaux constituent -ils un changement majeur dans l'histoire de la communication ?


Clay Shirky présente une vision de l'histoire de la communication en 4 périodes très distinctes :

- L' avènement des médias de diffusion au xvième siècle : avec l'apparition de l'imprimerie, des caractères amovibles, des encres à base d'huile le livre apparaît comme le mode de diffusion de masse des écritures, de la réforme..
- L'apparition des médias de conversation au XVIIIème siècle avec le télégraphe puis le téléphone qui permettent les premières conversation en one to one.
- L'émergence des médias enregistrés fin XIXième siècle avec l'enregistrement de la photo, de la voix puis des films, muets, sonores...Les médias audiovisuels du XXième siècle n'étant qu'un prolongement de cette 3ième période avec une miniaturisation et une technique grandissante des appareils de diffusion.

Avec Internet apparaît une nouvelle période et 3 changements majeurs :
1/ Le 1ier média qui propose un support pour les groupes et la conversation en même temps.On peut communiquer de plusieurs à plusieurs.
2/Les médias devenant tous digitaux, Internet devient le mode de transport de tous les médias;
Appels téléphoniques, films, musiques, magazines, tout média devient proche de tous les autres médias.
Les médias sont de moins en moins une source d'information, de plus en plus une source de coordination.
3/Les membres du public de la période précédente peuvent également devenir producteurs et non plus seulement consommateurs.
Chaque nouveau consommateur devient producteur avec les mêmes outils.

La forme des réseaux dans la communication publique évolue également en même temps :
- Au XXième siècle : un émetteur institutionnel de messages (entreprise,institution ) cherche sans concurrence à toucher les gens en mobilisant des outils lourds et en concevant , maîtrisant ses propres messages .Un réseau en forme d'étoile où tout part du centre.
- Au XXIième siècle : le changement n'est pas que les personnes répondent à l'émetteur mais qu'ils sont connectés les uns aux autres;De public à public.
La complexité du réseau est liée au nombre de participants (nombre au carré);les réseaux ne sont plus construits par des pros mais par le Public lui même et leur forme est alléatoire.

D'après une conférence de Clay Shirky lors de Ted 2009.

vendredi 17 décembre 2010

Lexique 73 :Politique


"Jusqu'en 1981 nombre d' intellectuels français avaient une croyance messianique au pouvoir de la politique de changer les choses ."
Hervé Juvin

mardi 14 décembre 2010

Histoires de changement 11: La Révolution kantienne,la Morale


Son étude de la Morale, La Critique de la Raison pratique illustre au mieux ces révolutions.

1/ La fin du cosmologico éthique :
Pour les Grecs en parallèle de l'ordre cosmogonique , il existe une hiérarchie naturelles des Etres, de toutes les catégories d'Etres.
Le Monde aristocratique ,tel qu'il est décrit par Platon repose sur l'idée que la cité parfait repose sur cette hiérarchie : les philosophes en haut, les guerriers au milieu, les artisans et ouvrier en bas.
La conviction à la base du système ,tel que le décrit Platon, est que la vertu se confond avec l'excellence naturelle, le talent naturel.
Pour Kant la dignité morale d'un individu ,sa vertu, ce n'est pas son talent mais l'usage qu'il en fait. Ce n'est pas la nature qui fait la valeur morale d'un individu mais c'est sa liberté.
La seuls chose que l'on peut tenir comme absolument bonne sur le plan éthique, c'est la bonne volonté.
Le fait que tous les talents naturels peuvent indifféremment être mis au service du Bien comme du Mal prouvent qu'ils ne sont pas intrinséquement du côté du Bien. L'intelligence peut aussi bien servir le Bien que le Mal : c'est seulement la volonté qui compte , si elle est bonne ou non.
Ainsi le monde aristocratique va être pris à contre pied et la morale du monde moderne fondée.
Trois conséquences immédiates :
- l'idée d'égalité apparaît : tout le monde se vaut puisque ce qui compte c'est ce que l'on fait de ce que l'on a reçu.
-l'humanité est une : dans le monde aristocratique il y a plusieurs humanités ,une hiérarchie des êtres : un esclave et un aristocrate ne sont pas du même monde.Idée au fondement des démocraties modernes.
- émerge également derrière l'idée de travail : l'aristocrate est celui qui ne travaille pas;à partir de cette nouvelle morale, ce que l'on va faire de ce que l'on a reçu , l'idée de travail est désormais valorisée .

2/ La fin du théologico éthique :
La morale chrétienne invite les individus à se conformer à certains principes ou règles pour obéir à Dieu. Son fondement est théologique.
Kant bien que chrétien y met fin en disant : si on agit pour faire plaisir à Dieu ou parce que on le craint , alors la Morale perd tout intéret parce que elle devient intéressée. La théologie corrompt donc ainsi la Morale, la vraie Morale est désintéressée, la vrais vertu est celle du désintéressement.

3/La morale kantienne :
En rupture avec la cosmogonie grecque et la théologie chrétienne , elle va avant tout être Humaniste à partir de notre subjectivité.
- Problème immédiat : comment considérer que l'on peut fonder une Morale à partir de l'Etre humain ? Que l'accord entre Etres humains est plus important que l'accord avec le Cosmos ou avec les Commandements de Dieu? Qu'y at-il de sacré , de grand dans l'homme qu'on puisse s'appuyer dessus ?C'est toute la question très importante ouverte par Descartes du propre de l'Humanité.
- Kant va partir de Rousseau à travers le discours de L'inégalité : Pour Rousseau ce qui distingue humains et animaux ce n'est pas l'intelligence ( c'est du plus ou moins pas un qualité) ni le langage mais la liberté ou la perfectibilité. L'animal est enfermé dans son instinct et tellement qu'il ne peut s'en évader même si sa survie en dépend ; pour l'être humain c'est l'inverse,il peut commettre les plus grands excès jusqu'à se tuer : c'est sa liberté.
L'effet de cette liberté va le faire entrer dans une double histoire : celle de l'individu (l'éducation) et celle de l'espèce (la politique).
L'animal totalement guidé par son instinct n'a pratiquement pas besoin d'éducation.
Les sociétés animales n'ont pas d'histoire et se reproduisent à l'infini.
La liberté guide donc les humains, pas la nature: "Pourquoi l'homme est-il sujet à devenir imbécile ?"et à oublier parfois sa perfectibilité en vieillissant par exemple.
Liberté, écart par rapport à la règle dont l'animal n'est pas capable et historicité ou perfectibilité que les animaux ne connaissent pas,sont donc les caractéristiques principales de l'homme.
- Elles entraînent trois conséquences, les trois traits caractéristiques de la morale kantienne :
1/Le désintéressement : si la liberté est la faculté de s'arracher au monde de l'instinct naturelle ,la capacité à s'arracher à la nature, nos penchants égoistes, ce qui nous pousse à nous occuper de nous; l'altruisme, le soucis des autres va demander une abstraction de moi même, de me limiter moi même.
La vertu se définit comme action désintéressée, fondement de l'Amour.
2/L'universalisme : agit de telle façon que ton action puisse être transformée en Loi. Pour prendre en compte l'intéret général , l'Universel , il faut pouvoir mettre en parenthèse mes intérets particuliers, m'écarter de la Nature, mes inclinations. Je peux le faire par ma liberté.
3/L'impératif , le devoir : ça ne va pas de soi d`être moral,ce n'est pas naturel;il va falloir faire un effort.Moral du travail sur soi.Un élève est un enfant à qui on demande de s'élever.

- La doctrine des impératifs de trois catégories :
1/ Les impératifs de l'habileté :purement techniques , hypothétiques sous la forme de si tu veux..alors .Les fins sont totalement subjectives.L'utilitarisme en philosophie
2/Les impératifs de la prudence : fondés sur des fins du sens commun, une fin générale communément admise, plus objective pas encore universelle.Une morale du sens commun celle de Platon.
3/Les impératifs catégoriques : ce que va ajouter Kant, un 3ième étage, ce sont des fins,des objectifs absolument nécessaires.Tu dois absolument..il y a des fins qui ne se discutent pas.Nous devons absolument Il y a une rationalité de ces fins parc que c'est la raison qui les fixe.Ce sont les fins qui touchent à l'accord de l'humanité avec elle même : le règne des fins.
Ainsi il déteste le mensonge car il rompt la confiance. L'absolue nécessité de s'auto limiter.

Deux remarques :
-Ce n'est plus la Religion qui précède la Morale, mais de l'homme ; l'idée de Dieu apparait après la Morale. La Loi est fabriquée par et pour les Humains.La Spiritualité apparait après pour donner du sens, un horizon .
- Sans la Liberté il n'y a pas de Morale possible. Le travail de la science c'est de relier des faits pour les expliquer entre eux, trouver des causes, le déterminisme. Le principe du déterminisme semble nier la liberté. Soit la série des causes est infinie et on arrive pas à conclure l'explication, soit il existe une cause première
D'où l'idée d' atteinte des limites de la raison avec ces deux concepts et Kant très honnêtement conclut au postulat de la liberté. La philosophie part de cet axiome non démontrable.


vendredi 10 décembre 2010

Lexique 72 : Mourir


"Mourir, c'est changer de corps comme l'acteur change d'habit."
Plotin

mardi 7 décembre 2010

Nouveaux concepts( (6) : La Culture Monde(3)La Fin des illusions(1)


La Fin des illusions pourrait être le titre de la conférence donnée vendredi 26 novembre à l'atelier Transit City par Hervé Juvin. En près de deux heures ce dernier s'est attaché à renverser de façon radicale les modèles de pensée liés à la croissance des pays occidentaux.
Deux postulats déjà présentés par François Bellanger précède la réflexion :
- Il y a dans le monde de plus en plus de pauvres du fait de la croissance démographique : 9milliards d'habitants dont 5 milliards de pauvres.
- La rareté des ressources est de plus en plus présente : si il faut aujourd'hui 1,5 planètes pour produire la consommation de tous ses habitants sur notre mode de vie, il en faudra 2 dans 10ans, 6 dans 30 ans...
Il s'agit donc de penser autrement notre modèle de croissance, nos modèles de vie...

Pour Hervé Juvin ces deux basculements sont aujourd'hui évidents :
- Fin du modèle de croissance pour passer dans un monde de la rareté
- Vers une désoccidentalisation du monde et sa décentration "hors de l'occident".

Mais surtout nous vivons nous occidentaux une transformation anthropologique dont nous n'avons pas encore idée et sous l'effet de laquelle "français", européen" n'auront plus la même signification.
1/Le renversement par l'avénement du corps comme unique capital : que se passe t-il dans la vie des hommes quand soudain ils s'aperçoivent que :
- par les actes de leur vie quotidienne ils ne peuvent plus atteindre le salut éternel,
- par leur bulletin de vote ils ne peuvent plus changer la société, le système politique.
Jusqu'en 1981 nombre d' intellectuels français avaient une croyance messianique au pouvoir de la politique de changer les choses . Depuis 30 ans elle a beaucoup reculé.
Face à ce "désenchantement du Monde" l'homme se retrouve seul avec son corps, sa santé, sa sécurité, sa séduction comme unique capital.
Cela change tout son rapport au monde et génère en même temps une industrie.

2/ Le renversement par l'expulsion du rapport à la nature : le monde de l'enfance de nos générations est pour beaucoup un monde en relation avec la nature;un lien physique qui vient peuplé le langage.
La nature n ' est plus que ce l'on fait d'elle, elle ne domine plus ,c'est quelque chose d'entièrement nouveau.Le hasard de la nature n'est plus accepté.
Elle devient une ressource rare , payante parfois et de moins en moins accessible librement , gratuitement au plus grand nombre.

3/Le renversement par l'expulsion du politique : nous avons rêvé d'une sortie de la condition politique pendant 30ans avec 3 illusions principales :
- Margaret Thatcher 1980: "La société ça n'existe pas", phrase fondatrice du néolibéralisme. Si elle n'existe pas , nous ne sommes que des individus à la recherche de leur meilleur intérêt à tout moment.Nous ne sommes que des individus de droit ,créant des liens contractuels et temporaires avec leur entourage et pouvant les délier à tout moment.
- Tony Blair 1996 : " Le système de l'Occident est le meilleur du Monde, d'ailleurs dès que les peuples ont le choix, ils l'adoptent.
- GW Bush : il suffira d'éliminer quelques méchants dans le Monde pour parfaire l'unification planétaire, libérale.

Pourquoi tout le monde y a cru ? En partie parceque plusieurs faits historiques du XX° siècle sont restés sans explication :
-Quelles sont les causes profondes de la guerre de 1914 alors que l'Europe était prospère et dominait le monde?
-Comment expliquer les tergiversations puis les raisons de l'entrée en guerre des USA ?
- Comment expliquer la chute "pacifique" et sans opposition de l'Empire soviétique ?

Comment ces faits sont démentis :
- depuis Maastricht et ses critères de convergence jamais les pays de la zone euro n'ont autant divergé en : chomage, commerce extérieur..
- de nombreux pays émergents ont adopté nos technologies mais pas le système démocratique.Pire les chinois nous interrogent sur notre démocratie qui nous fait agir en "oui" quand nous votons en "non";ils la substituent par "des formes adaptées de gouvernance"

Pour suivre Maurice Godelier, ce n'est jamais l'économique qui fait société, qui la fonde mais les croyances, les mythes, le rapport au sacré...

vendredi 3 décembre 2010

Lexique 71 : La nature


Machiavel