mardi 31 mars 2009

Le Titanic ne peut pas couler.


L'histoire que tout le monde connait :
Le Titanic disparut dans les flots de l’Atlantique dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Entraînant la mort de 1500 passagers sur les 2201.Parti de Southampton à destination de NY , le Titanic dont s’était le voyage inaugural, était à l’époque le plus grand et le plus luxueux des navires.Le cloisonnement de sa coque en 16 compartiments étanches , qui mettait le navire à l’abri de toute voie d’eau, voire de tout torpillage, lui valait au surplus, la réputation d’être incoulable .
Mais il se passa que le 14 avril vers 23h40, le Titanic heurta un iceberg , conséquence fâcheuse d’une tentative pour éviter l’obstacle au dernier moment en faisant donner la barre à babord toute, vint à déchirer la coque du bâtiment sur toute la longueur de son flanc droit, au lieu de n’endommager que l’étrave : permettant ainsi à l’eau – la déchirure intervenant en dessous de la ligne de flottaison- de pénétrer dans chacun des 16 compartiments étanches.
Blessure mortelle qui ne pouvait manquer de conduire à l’immersion complète du navire :ce qui fut chose faite deux heures et demi e plus tard.
La panique fut assez longue à s’installer compte tenu du sentiment de sécurité qui prévalait. Au fur et à mesure que l’eau pénétrait dans la coque, puis dans les cabines, une rumeur s’imposait , de plus en plus tenace dans l’esprit des passagers : le Titanic ne coulera pas , le Titanic ne peut couler.

Pourquoi cette croyance, cette assurance ?
Parce que le Titanic possède 16 compartiments étanches qui le rendent invulnérables , parce qu’il a été construit par les chantiers Harland & Wolf de Belfast, qui sont les meilleurs du monde . Incoulable parce que c’est un navire anglais, et qu’il y a à bord le Révérend Carter, lequel quelques heurs plus tôt a donné à bord un petit concert spirituel à l’issue duquel il a invité son auditoire au recueillement et à une courte prière à l’intention de tous les voyageurs ;aussi l’orchestre du bord fut il requis de ne pas interrompre son programme et continua à égrener valse et polkas
D’ou aussi une désaffection à l’égard des canots de sauvetage qu’en un premier temps on abandonna, plus qu’à moitié vides aux quelques esprits inquiets que l’incident avait affolés.Canots vers lesquels on se pressa très en désordre et beaucoup plus tard lorsqu’à la forte gîte du vaisseau déjà partiellement englouti sous les flots, il fut devenu évident , malgré les 16 compartiments étanches que quelque chose n’allait pas.
Effet de brusque revirement de climat, on ordonna aux musiciens , dont les pieds s baignaient dans l’eau salée d’interrompre leur concert pour entonner des cantiques.

Pareille mésaventure est certes d’abord regrettable , émouvante et tragique. Mais elle est aussi considérée sous un certain angle, une histoire dont la puissance comique peut paraître assez violente.Comique qui se manifeste à plusieurs niveaux:
- Au niveau des responsabilités humaines : celles ci non négligeables , semble t-il pour ne songer qu’à l’ordre étrange donné aux machines d’aller au maximum de vitesse à la rencontre des icebergs dont plusieurs messages alarmistes avaient déjà signalé la présence dans ces parages. Plus singulière encore la quiétude morale qui permit à son auteur , le commandant Smith, d’aller , sitôt l’ordre donné , chercher dans sa cabine un repos bien gagné , qu’interrompit seulement vers 23h40 , le choc fatal. On appréciera également le fait que les vigies , chargées en cette nui t de redoubler d’attention et de donner l’alerte au premier iceberg ,mais privées, à la suite paraît-il d’un retard de livraison, des instruments optiques adéquats,se soient acquittés de leur mission de manière irréprochable en signalant la présence de l’iceberg aussitôt après que celui ci eut enfoncé le navire : technique de l’avertissement après coup dont l’effet comique est inusable.
- Le fait de l’engloutissement possède en lui même une vertu comique,selon une telle perspective : extermination sans restes,disparition que ne compense aucune apparition , pure et simple cessation d’être.

Enfin j'ajouterai l'incapacité d'imaginer le mécanisme de destruction des instruments de l'empire d'une époque.
Le Titanic ne pouvait pas couler comme les Twin Towers ne pouvaient être détruites ou aujourd'hui les banques se faire nationaliser. Les croyances humaines font le ciment d'une époque et génèrent les raisons et déraisons de faire, décider , espérer..
Les objets eux sont tout autres , quand on invente un navire, on invente simultanément le naufrage.
D'après Clément Rosset dans Logique du Pire.PUfF 2008

vendredi 27 mars 2009

La Logique du pire


La Possibilité d’une philosophie tragique ?
L’histoire de la philosophie occidentale nous dit Clément Rosset ,s’ouvre par un constat de deuil : la disparition de la notion de hasard, de désordre, de chaos.En témoigne la parole d’Anaxagore : « au commencement était le chaos ;puis vint l’intelligence , qui débrouilla tout. »
Une des premières paroles d’importance à avoir résonné dans la conscience philosophique de l’homme occidental fut donc pour dire que le hasard n’était plus : parole inaugurale , qui évacue du champ originel l’idée de hasard constitutionnel,générateur d’existence.
D’ou l’espoir secret des intellectuels : à force d’intelligence , de pénétration et de ruse il est possible de dissoudre le malheur et d’obtenir le bonheur.

A l’opposé et en marge de cette philosophie ce sont trouvés des penseurs qui s’assignèrent une tâche inverse :
Les philosophes tragiques ,dont le but était de dissoudre l’ordre apparent pour retrouver le chaos enterré par Anaxagore.
Avec l’idée de dissiper tout bonheur virtuel pour affirmer le malheur , et même , dans la mesure du génie philosophique dont ils disposaient , le pire des malheurs .
Ce Terrorisme philosophique assimile l’exercice de la pensée à une logique du pire : on part de l’ordre apparent et du bonheur virtuel pour aboutir ,en passant par le nécessaire corollaire de l’impossibilité de tout bonheur, au désordre, et à la limite , à la négation de toute pensée.
La philosophie devient ainsi un acte destructeur et catastrophique : la pensée ici en œuvre a pour objet de détruire, de dissoudre - de manière générale de priver l’homme de tout ce dont celui ci s’est intellectuellement muni à titre de provision et de remède en cas de malheur.
Les sophistes, Lucrèce, Montaigne , Pascal, Nietzsche ..penseurs terroristes et logiciens du pire : leur souci n’est plus d ‘éviter ou de surmonter un naufrage philosophique , mais de rendre celui-ci certain et inéluctable en éliminant , l’une après l’autre , toutes les possibilités d’échappatoire.
Réussir à penser le pire , tel est le but le plus général de la philosophie terroriste.
D'après Clément Rosset.

jeudi 26 mars 2009

Temps de crise 8: Et ils ont ou les gens ??


C'était la grande question posée le jour de la grande grève nationale du 19/06: personne dans le métro à 8h00 du matin , personne dans les cafés au sortir du métro, peu de monde le midi dans les restaurants, les actifs aisés du centre ville avaient bel et bien disparu.
C'est la question qui revient très régulièrement depuis le début de la crise posée par ceux qui constatent une baisse de leur activité : du cafetier au commerçant de prêt à porter,du restaurateur au concessionnaire automobile, tous se la posent.
En cette période donc les modes de consommation et les comportements changeraient. Certain secteurs baissent et d'autres restent solides dans la crise chacun à son niveau de pouvoir d'achat réévaluant son niveau et ses postes de dépenses.
Les gens sont donc insaisissables :dans le sondage du jour, 60% déclarent ne pas être directement touchés par la crise, 53% vouloir restreindre leurs dépenses dans les prochains mois et même près de 50% des patrons ne plus croire au capitalisme!
Tout se passe comme si chacun cherchait à dépenser le moins cher possible pour ces achats de nécessité et peut être encore moins cher pour réserver une part de budget à des dépenses plaisirs , ou dans une certaine mesure on ne compte pas.
Ainsi le cinéma , les spectacles, les livres ,les jeux vidéo, tout le secteur de la culture en général se portent plutôt bien depuis le début de l'année;idem pour le bien être, les spas; idem pour l'aménagement de la maison, décoration, jardin, de l'écran plat à l'accessoire de déco pour aller vite.
Pendant la crise les gens continuent de se distraire, s'amuser, embellir leur maison et... cultiver leur jardin

mercredi 25 mars 2009

Lexique 8 : L'ordre du Monde


“ Le monde tout entier obéit à la seconde loi de la thermodynamique : l’ordre y diminue, le désordre augmente."
Norbert Wiener .

vendredi 20 mars 2009

Apocalypse de Michel Maffesoli (1)


Un tout petit livre pour un grand texte nous éclairant sur la période traversée que Maffesoli vient nousdéfinir à point nommé : l'Apocalypse.
L'apocalypse comme "ce qui révèle le caché.Ce qui rend apparent le secret de l'être ensemble" en deux mots ce qui fonde notre civilisation. Pour Maffesoli la pensée apocalyptique laisse apparaître "des signes irréfutables dans le ciel de la société" : Dépression économique, trouble moral ou physique , situation tendue dans le domaine politique ou institutionnel, "tout ce que l'on a coutume de nommer crise ne seraient que les soubresauts d'une civilisation en voie de disparition".
"A certain moment une société n'a plus conscience de ce qui l'unit, dès lors , elle n'a plus confiance dans les valeurs qui assuraient la solidité du lien social."
Quels sont ces signes de la pensée apocalyptique ?
- Le présentéisme : c'est à dire le soucis païen des jeunes générations d'être là ensemble à l'opposé du transcendantalisme occidental , de l'idéologie du projet . "C'est en ayant à l'esprit la prédominance de l'instant , d'un instant éternel que l'on peut saisir une autre germination d'importance privilégiant l'esthétique. "
- L'enveloppementisme l'emporte sur le développementisme. La peau des choses comme le design devient important , une éthique de l'esthétique serait en gestation.
- L'émotionnel : qui exprime non pas un caractère psychologique individuel mais "une ambiance spécifique dans laquelle baigne la tribu à laquelle on appartient"
- Vitalité et mélancolie : en changeant de peau l'animal retrouve une certaine jeunesse, un plus être qui peut étonner mais dénote d'une certaine vitalité. D'autant plus difficile à accepter que nos systèmes de représentation restent encombrés par la mélancolie d'un paradis perdu.Mélancolie pour un paradis à venir façonné par la culture chrétienne.
- L'opinion publique et l'opinion publiée : ou plutôt la différence de plus en plus importante mesurée entre l'abandon de certaines croyances par le plus grand nombre et le martèlement des croyances établissant" le fond de commerce "de quelques uns.

Les sources de ce nouveau mode d'être ensemble:
En observant l'histoire humaine on en trouve deux : la politique et le jeu.Toutes les sociétés se sont fondées autour de ces deux pilliers comme dans un balancement entre Prométhée et Dionysos. Aujourd'hui obnubilés par la valeur travail, encore plus avec la crise, on a du mal à voir et comprendre l'inversion de polarité en cours.
C'est bien d'une autre manière d'être dont il s'agit ou la dominante rationnelle du social s'estompe et le ludique prend la première place.
Une inversion est en train de s'opérer remettant sur le devant de la scène la force de l'esprit, de l'imaginaire, de l'immatériel, du spirituel.
Le défi du temps de nos élites est d'arriver à s'accorder à ce qui est , et ce afin d'éviter les perversions toujours possibles, "pour lui faire donner le meilleur de lui même ".
Ainsi apparaissent : l'esthétisation de l'existence, l'art se capilarisant dans l'ensemble de la vie quotidienne, la rébellion contre la dévastation des esprits, l'accent mis sur le qualitatif.
A l'esprit de sérieux du productivisme est en train de succéder un ludique ambiant.
Aux institutions rationnelles succèdent les tribus post modernes.

jeudi 19 mars 2009

Les principes du management de dirigeant selon Nicolas Hayek


Manager des dirigeants n'est pas chose facile ,tous les patrons de groupe industriel le savent.
On raconte que Nicolas Hayek, l'inventeur de Swatch, Smart aurait construit son management autour de deux principes très simples :
- Fixer avec son manager des objectif ambitieux et atteignable ainsi que les moyens d'y parvenir.
- Demander au même manager de l'appeler chaque fois qu'il rencontre un problème de telle sorte qu'ils trouvent ensemble une solution.
Les bénéfices de de ce système fondés sur la confiance dans la relation manager-dirigeant existent dans les deux sens :
- Pour le dirigeant un maximum d'autonomie dans son périmètre d'action; un recours possible en terme de solutions nouvelles en cas de problème.
- Pour NH des indicateurs de suivi très simples , partagés avec le dirigeant et surtout la possibilité d'intervenir que pour le soutenir en cas de problème .
Le système fonctionne sur la confiance réciproque dans la relation entre dirigeant et NH : NH fait confiance à son dirigeant pour atteindre ses objectifs et l'alerter en cas de difficulté; le dirigeant fait confiance à NH pour contribuer à trouver des solutions et ne pas le sanctionner en cas de difficulté.
Avec ces principes aussi simples NH contrôlerait plus de 90 sociétés ...

Lexique 7 : La peur


"A un moment donné , il faut vaincre la peur de manquer, d’être seul, méconnu ou autre. L’honnêteté envers soi –même devient la seule vertu qui vaille .“
Nick Toshes

lundi 16 mars 2009

Le Commencement d'un monde = les 5 révolutions (2)



Tout se passe comme si nous vivions simultanément l'avènement de 5 révolutions.
1.La révolution économique :
La plus visible actuellement par les effets de la crise financière, celle que l’on baptise habituellement la Mondialisation . On en parle assez peu pour préférer laisser se quereller deux parties opposés : les libéraux ,le « tout est formidable « d’Alain Minc contre le Monde Diplo , « c’est une catastrophe.
En réalité ni bonne ni mauvaise , elle est évidemment les deux à la fois et demande de nouvelles règles du jeu.
L’enjeu central est la déconnexion de l’économie et de la politique ; du marché et de la démocratie.
L’un et l’autre étaient intimement liés, ils ne le sont plus.
Il s’agit de réinventer ces règles à partir de la démocratie et pour le moment les 3 solutions préconisées sont toutes mauvaises ou pas opérationnelles :
o le souverainisme : revenir en arrière , faire à nouveau dépendre le marché de la démocratie , faire re –rentrer le liquide dans la bouteille ou le dentifrice dans le tube ; ça ne marche pas.
o Le marché européen : augmenter la taille de la bouteille et réglementer à partir de l’Europe au risque d’être rapidement dépassé et non suivi par les pays émergents
o La mondialisation des règles par l’extension de la démocratie et des droits de l’homme.
Actuellement on joue sur les 3 pistes de façon imparfaite.

2. La révolution digitale :
Ce n’est pas simplement d’utiliser un téléphone portable ou un ordinateur mais petit à petit de concentrer toutes les activités humaines sur informatique : entreprise, finance, éducation, culture, moyens de communiquer…
Nous sommes au tout début de cette révolution commencée dans les années 90 .
C’est comme la découverte d’un 6ième continent dont on ne connaîtrait ni les dimensions, ni le rapport au temps , ni les règles du jeu.
On ne sait pas encore penser ce lieu , on sent bien que nos concepts de temps et d’espace y sont friables ; il n’y a pas encore d’état de droit et il est difficile à instaurer faute de territoire de rattachement.
On ne sait pas et pourtant toutes nos activités s’y installent petit à petit.
La crise financière actuelle témoigne également d’un télescopage entre ces deux mondes .
3.La révolution génétique :
L’homme n’a plus seulement les moyens d’intervenir sur le monde (prométhée) mais sur la vie elle même ( reproduction de la vie- mutation –invention d’espèces..)
Cela nous place devant des questions plus nouvelles et plus importantes encore.
Exemple 1 : On peut créer une espèce de singes phosphorescents à partir du croisement génétique de singes et de méduses ; ces animaux pouvant se reproduire formant une espèce.
Exemple 2 : Un enfant peut avoir aujourd’hui jusqu’à 5 parents différents tous légitimes : père biologique donnant son sperme/mère biologique donnant son ovocyte/mère porteuse/mère légale/père légal.
4.La prise de conscience du risque écologique :
Elle a réellement pris un nouvel élan depuis Kyoto au point de modifier certains comportements aussi bien chez les citoyens que chez les politiques et même si ç a ne se fera pas en un jour.
5. Et pour finir :bientôt la révolution nano technologique.

vendredi 13 mars 2009

Lexique 6 : La bêtise.


Si j’ai un méa culpa à faire dans mon métier de journaliste c’est d’avoir sous estimer l’importance de la bêtise chez les hommes dans leur façon de conduire les affaires du monde. »
Jean Claude Guillebaud.

jeudi 12 mars 2009

Lexique 5 : Les méchants



"Nous n’acceptons pas d’abandonner le monde aux méchants « .
Les Psaumes.

mardi 10 mars 2009

Le Commencement d'un monde = un livre projet (1)


Le commencement d’un monde = un livre projet :
Jean Claude Guillebaud, grand reporter au Monde dans les années 70, démissionne en 1982 pour se consacrer au métier d’éditeur au Seuil et surtout se donner le temps de réfléchir aux grandes mutations qu’ils sentaient déjà venir dans ses reportages et n’avait pas le temps d’analyser.
C’est en fréquentant et publiant des intellectuels aussi divers qu’ Edgard Morin ou Michel Serres, des astrophysiciens, des neurobiologistes, des juristes autant que des philosophes , chacun porteur d’une petite particule de connaissance et parfois pris au piège du marteau et des clous énoncé par Marc Twain que Jean Claude Guillebaud eut l’idée d’écrire des livres pour tenter une sorte de méta réflexion sur les changements en cours désincarnée de toute obédience intellectuelle ou scientifique.
C’est d’ailleurs sa définition de la modernité, empruntée à Simone Weill : « la capacité à se déraciner de son village, de sa culture , de son pays pour aller à la rencontre des autres et vivre le futur ».
Précisant au passage que déraciner quelqu’un contre son gré est toujours un crime et ne fonctionne jamais.

Pour lui nous vivons actuellement au moins quatre révolutions, mutations en même temps ; chacune d’elle étant très forte et les 4 mixées peut être aussi fortes que celles qu’ont connu les hommes au néolithique ( idée de Michel Serres).
Au Néolithique les hommes mirent plusieurs milliers d’années à :
• Passer du nomadisme à la sédentarisation
• Passer de cueilleur à agriculteur
• Passer de chasseur à éleveur
La révolution néolithique va mettre à jour toute une nouvelle civilisation avec l’artisanat,
la fabrication des outils, l’art funéraire, le commerce de village à village …

vendredi 6 mars 2009

Temps de crise 7 : Le danger des demi-vérités en période de crise


Je relaie à quelques jours d'intervalle cette chronique de Paul Jorion parue dans le monde le 020309.
Supposons que les gouvernements s'occupent activement des intérêts de la population en ce moment même - et on le souhaite ardemment. Pour réussir, leurs actions doivent bénéficier d'un certain effet de surprise, afin de ne pas être déjouées, par anticipation, par ceux qui sauraient prendre ces nouvelles mesures à contre-pied en vue d'un gain personnel.Les autorités s'expliquent donc le moins possible quant à leurs prochaines initiatives, et quand elles le font - pour calmer les inquiétudes - leurs explications sont formulées en termes à ce point sibyllins qu'il est impossible de savoir - même pour les experts - de quoi il retourne exactement. Mais à défaut de contenu, on travaille la forme : les communiqués respirent la confiance et répètent avec affabilité que les dossiers sont entre les meilleures mains.
La tâche n'en est pas aisée pour autant, car ceux qui expliquent que tout va bientôt rentrer dans l'ordre sont aussi ceux qui répétèrent aux premiers temps de la crise, et avec une sincérité dont il serait difficile de douter aujourd'hui, qu'elle était de faible ampleur et se terminerait incessamment sous peu.
Le capital de confiance dont disposent les autorités s'érode ainsi de jour en jour. Le public qui les écoute est tiraillé entre deux interprétations possibles de leurs trop longs silences et de leurs demi-vérités : incompétence de leur part ou malveillance ? Les deux courants d'opinion se renforcent aujourd'hui, en Europe comme aux Etats-Unis et peut-être même en Asie.
Incompétence pour n'avoir rien vu venir, pour avoir ensuite sous-estimé la crise dans ses premières manifestations et, pour s'abstenir aujourd'hui de prendre les mesures radicales dont nul ne doute plus qu'elles doivent être mises en oeuvre. Ou encore malveillance : tant d'incompétence dépasserait l'entendement, affirment certains. Nos dirigeants et ceux qui les ont portés au pouvoir savent pertinemment, pensent-ils, où ils veulent en venir, à savoir, asseoir davantage leur pouvoir.
La situation des autorités est dès lors intenable : ceux qui leur prêtent une certaine bonne volonté sont obligés de lire dans l'aggravation de la crise les signes grandissants de leur incompétence, quand ceux qui se méfiaient d'eux d'emblée voient se multiplier les signes révélateurs des très noirs desseins supposés.
L'économiste américain Nouriel Roubini expliquait le 21 février dans un entretien au Wall Street Journal qu'il faudrait encore attendre six mois avant que les autorités américaines ne finalisent la nationalisation du secteur bancaire. Si la mesure est indispensable, pourquoi ne pas l'appliquer dès aujourd'hui, l'interrogeait alors son interlocuteur ? Parce qu'il faudra six mois, répondait M. Roubini, pour que plus personne n'ose prétendre être solvable - faisant allusion aux récents propos qui se voulaient rassurants de Kenneth Lewis, le PDG de Bank of America.
Il ne s'agit là que d'un exemple, mais six mois d'attentisme sont une éternité face à la gravité de la crise actuelle. Si ceux qui nous dirigent considèrent que des mesures drastiques s'imposeront tôt ou tard, il devient chaque jour plus impératif qu'ils cessent d'atermoyer : les circonstances atténuantes que leur accordent ceux qui les jugent simplement incompétents ne suffiront plus à les protéger contre la colère de ceux qui les croient malveillants.

Paul Jorion, université de Californie, Los Angeles

jeudi 5 mars 2009

Lexique 4 : Se tromper


" Il y a deux façons de se tromper : l’une est de croire ce qui n’est pas, l’autre est de ne pas croire ce qui est ."
Soren Kierkegaard.

mercredi 4 mars 2009

La Légende des Frères Peugeot



La devise des Frères Peugeot , créateur de leur entreprise était :
- Respecte les faits ,
- Respecte les gens ,

Cette devise est le ciment de la Légende fondatrice de cette entreprise.
On raconte, je ne sais si c’est vrai ou pas ,que les 2 frères voulant créer leur entreprise allèrent voir une vieille tante pour lui emprunter de l’argent .Celle ci ne leur dit ni oui , ni non mais simplement de revenir une semaine plus tard.
Ce qu’ils firent : 7 jours après ,ils frappèrent à nouveau à la porte de leur tante qui les accueillit , leur remit la somme d’argent escomptée, accompagnée du seul commentaire suivant : “maintenant allez y ,j’ai vendu ce que je possédais et je suis inscrite aux petites soeurs des pauvres.”
En partant le s 2 frères savaient qu’à travers la réussite de leur entreprise , ils prenaient la responsabilité de l’avenir de leur tante et que pour réussir ils leurs faudraient être très attentifs aux faits pour prendre soin de leur tante.
En même temps c’est elle qui en avait pris l’initiative , les dégageant de toute pression culpabilisante.

lundi 2 mars 2009

Temps de crise 6 : la crise est aussi narrative.


Après la phase de sidération où chacun reste muet devant l'avalanche de mauvaises nouvelles ( une avalanche ne s'arrête pas rappelle opportunément Jacques Attali dans son livre , on peut éventuellement la détourner mais quand c'est parti..), vient le temps des premières réflexions, des première mesures , des premiers scénarios de sortie de crise .
Deux caractéristiques de cette phase :
- ces réflexions peuvent se transformer en convictions, servir de point d'appui à des plans l'action mais jamais en certitude; cette période est justement marquée par l'incertitude,une part d'inconnu avec laquelle chacun doit composer ;à tout moment les faits dans leur évolution sont en mesure de rattraper et de balayer leur interprétation. Pas simple pour " les managers de crise" ou il s'agit d'agir, parfois de réagir sans se laisser submerger, faire preuve de souplesse dans l'accompagnement des événements tout en continuant à porter ses propres convictions.. nous y reviendrons.
- le temps de la réflexion et de l'action classiquement disjoints sont ici étroitement mêlés , interagissent l'un sur l'autre: la gravité de la situation amène à penser et mettre en oeuvre des mesures immédiates que la réalité vient parfois détourner , démentir ,annihiler. Pas simple non plus à gérer pour les communicants qui tentent de rendre lisible ou cohérentes les mesures prises.. . nous y reviendrons également.
Pour finir, on peut certainement juger de l'ampleur d'une crise à la largeur du champ des remèdes proposés ou plus exactement au niveau de remise en question des croyances dominantes des acteurs concernés que viennent confronter ces remèdes. Ainsi que les USA d'Obama ( et on peut penser que Bush aurait fait la même chose) soient en train de nationaliser les principales banques américaines pour éviter l'effondrement de leur économie qu'entraînerait leur faillite parait être un fait majeur de cette gestion de crise .
Sont-ils devenus socialistes, enterrant 20 ans de "croyance unique " en la dérégulation des marchés ou s'agit-il de mesures pratiques et ponctuelles ??
L'avenir nous le dira ou plutôt le futur équilibre qui naîtra à l'issue de cette crise nous fournira également un nouveau récit,de nouveaux concepts à partir desquels s'éclaireront le présent et son tumultueux accouchement dans le passé.
En ce sens la crise est aussi narrative c'est à dire un moment où signifiants et signifiés se cherchent de nouveaux liens , les concepts de nouvelles définitions, les croyances de nouveaux objets, une sorte de parenthèse ou peut être de nouvelles histoires vont pouvoir apparaître et exister.